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Pierrick

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Publié le : samedi 19 novembre 2005

Délire meurtrier

Jean-Christophe Lièvre, 35 ans, comparaît depuis hier devant les assises. En août 2003, il avait sauvagement tué un Nancéien de 22 ans à Blainville-sur-l'Eau avant de se débarrasser de son corps coupé en deux dans la Mortagne.

« C'est pas des délires. C'est la réalité. Ils ont réussi à m'empoisonner (... ) Ils m'avaient menacé parce que je ne voulais pas servir de cobaye pour le vaccin contre le sida ». Jean-Christophe Lièvre s'empare de la parole pour la première fois, entame une longue tirade insensée. Longiligne, en sweat à capuche kaki, le trentenaire à l'allure juvénile, s'inscrit en faux contre les précédentes déclarations d'un enquêteur de personnalité, venu témoigner de sa propension à « divaguer ». De ses théories sur un vaste complot orchestré par la mafia, les francs-maçons ou d'autres forces obscures qui veulent attenter à sa vie. Tel ce dentiste qui lui a posé un micro dans la dent, ou ces insectes chargés de le surveiller ( ? ).

L'accusé, 35 ans, la plupart du temps bouche ouverte et regard halluciné, comme abruti par le puissant neuroleptique dont il est gavé, tente de reprendre ses esprits, oppose qu'en 1999 déjà, il a été mis « sous hypnose » par de sombres compagnons dans le but de lui « faire faire des choses ».

Tendance schizoïde mais pas schizophrène

« Jean-Christophe Lièvre n'est ni manipulateur ni calculateur. Plongé dans un abîme dépressif profond, il est engagé dans une lutte mortifère pour trouver son identité », explique le Dr Bocquel, expert psychiatre.

L'avocate de la défense, Me Armelle Kolb, opine du chef. Mal à l'aise avec son homosexualité, « comme une machine à produire de l'angoisse, il a développé un comportement psychotique persécutif de type paranoïaque qui peut aller jusqu'au délire », ajoute le praticien tout en réfutant une schizophrénie au sens médical du terme. Un état encore aggravé en 2002 à la découverte de sa séropositivité. Et par la prise ponctuelle mais massive de stupéfiants et d'alcool.

« Le cas échéant, j'ai le sentiment qu'il ne serait pas passé à l'acte », avance encore le spécialiste en concédant une altération du discernement au moment des faits. « Fondamentalement, il n'est pas agressif ».

Pourtant, le 14 août 2003 à son domicile de Blainville-sur-l'Eau, pour un motif nébuleux, il tue sauvagement PierrickLecointre, 22 ans, avant de se débarrasser de son corps, qu'il a pris de soin de couper en deux, dans la Mortagne.

« Entraîné dans ma chute »



« Vraisemblablement convaincu que sa victime lui voulait du mal », éclaire le psychiatre. « Il n'est pas dans un système logique de pensées », appuie un expert psychologue. Jean-Christophe Lièvre s'est acharné. Le docteur Taneur, médecin légiste, décrit les traces de strangulation présentes sur le cou de la victime, de l'enfoncement de la boîte crânienne provoqué par un objet contondant (en l'occurrence, un accoudoir de canapé).

Les photos de la scène du crime et des sacs découverts le 18 août 2003 par des adolescents à Moyen, circulent parmi les jurés, et la partie civile, très digne tout au long de cette première journée de débats, s'écroule.

La mère de PierrickLecointre ne peut étouffer ses sanglots. Son plus jeune fils tente, lui, de faire face. Leur avocat, Me Berna, les réconfortent. « J'ai commis un acte horrible, mais je ne suis pas un horrible criminel. Je ne trouve pas les mots pour demander pardon à la famille », lâche Jean-Christophe Lièvre. Et de « couvrir » aussi son ami, Daniel Prevost, 47 ans, à ses côtés dans le box, pour le délit connexe de recel de cadavre. C'est lui qui l'a aidé à effacer les traces de son geste. A jeter les restes de la victime dans l'eau. « Je l'ai entraîné dans ma chute. Mais il n'a rien fait ».

Les débats, présidés par Jean-Michel Perrin, reprendront lundi.

Valérie RICHARD

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