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Publié le : jeudi 16 juin 2005
Découpe d'un cadavre : le salarié débouté
Un employé de restaurant licencié pour avoir amené sur son lieu de travail des objets ensanglantés provenant de la découpe d'un corps, réclamait des dommages et intérêts.
NANCY. - Le conseil des Prud'hommes de Nancy vient de rendre un jugement dans une affaire très singulière mettant en scène un employé d'un restaurant d'entreprise qui avait accepté d'amener sur son lieu de travail un couteau, une scie et des effets maculés de sang, pour faire disparaïtre les indices d'un meurtre.
Nous sommes le 19 août 2003. Daniel P., 50 ans, salarié dans le restaurant d'une importante banque de Nancy, arrive à son travail porteur d'un curieux paquet. A l'intérieur : un couteau de boucher, une scie pour couper les os ainsi que d'autres objets ensanglantés. Il jette le tout dans une poubelle. Quelques instants plus tard l'une de ses collègues les découvre et les ramène à la cuisine. Plusieurs autres salariés, intrigués, vont les manipuler.
Daniel P. décide alors d'avouer à la gérante « l'usage sordide qui a été fait de ce couteau et de cette scie », indique le conseil des prud'hommes.
Corps coupé en deux
En fait, quelques jours plus tôt, son ami Jean-Christophe Lièvre, 29 ans, aurait eu une violente dispute avec un autre jeune pour un « motif très futile », dira à l'époque le procureur de la République.
La dispute tourne très mal, Jean-Christophe Lièvre se saisit d'un accoudoir de canapé en bois et frappe à de multiples reprises le jeune homme, âgé de 22 ans. Il le blesse mortellement à la tête. Daniel P., qui dort au-dessus, est alerté par le bruit. Il aurait accepté de faire disparaïtre le cadavre qui sera découpé, emballé dans des sacs, lesté puis jeté dans la Mortagne. Le corps sera repêché le 18 août.
Immédiatement après ses aveux, Daniel P. est interpellé tandis que les gendarmes venus en nombre perquisitionnent et interrogent les témoins, choqués par ce qu'ils viennent d'apprendre. Daniel P. sera placé en garde à vue puis en détention provisoire du 21 août au 3 octobre. Il tentera de reprendre son travail à sa sortie de prison mais sa direction engagera une procédure de licenciement.
« Plaisanteries sordides »
Devant le conseil des prud'hommes, le 9 décembre dernier, Me Denis Rattaire, avocat de Daniel P. avait estimé que la rupture du contrat de travail intervenue le 19 août puis le licenciement étaient contestables aussi bien en la forme que sur le fond. Son client réclamait à ce titre près de 40.000 euros d'indemnités et de dommages et intérêts.
Il soulignait notamment que ce licenciement était abusif car motivé par des faits « relevant de sa vie privée et n'ayant causé aucun trouble caractérisé à l'entreprise, ni porté atteinte à la notoriété de la société ». Une version bien évidemment contestée par Me Jean-Thomas Kroell, l'avocat de la société.
Le conseil des prud'hommes a retenu dans son jugement les arguments développés par l'employeur. Il relève que même si le salarié « n'a effectivement pas découpé le cadavre sur son lieu de travail », « il a déposé les objets liés au crime et à la découpe du corps sur son lieu de travail et à l'occasion de l'exécution de son contrat de travail ». Le lien avec « la vie professionnelle est donc établi ».
Le tribunal évoque aussi le trouble généré par cette affaire aussi bien pour le personnel de l'établissement que pour la clientèle. Ce malaise aurait provoquer « des questionnements récurrents et pressants ainsi que des plaisanteries sordides qui ont durablement affecté le personnel du restaurant », souligne le conseil des prud'hommes.
Daniel P. a été débouté de l'ensemble de ses demandes. « Cette décision fait fi de la présomption d'innocence » regrettait hier Me Rattaire en rappelant que son client, poursuivi pour « complicité de dissimulation de cadavre » n'avait pas encore comparu devant la cour d'assises.
François MOULIN
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